Frontières dans le monde anglophone : Cartographier et contre-cartographier
Colloque international organisé par l’UR SEARCH
9-10 octobre 2023
Université de Strasbourg
Conférences plénières / Invité.e.s d’honneur :
Ladan Niayesh (Université Paris Cité/LARCA)
Michael Darroch (York University) and Lee Rodney (University of Windsor) - The research-creation hub IN/TERMINUS
Donna Akrey and Taien Ng-Chan (Artists, Hamilton Perambulatory Unit)
Ce colloque, organisé par l’unité de recherche SEARCH de l’Université de Strasbourg, est né de deux propositions : celle de la pertinence des réflexions sur l’histoire des frontières, de leurs représentations et des pratiques de délimitations au sein du monde anglophone, d’une part, et celle de l’importance de la cartographie et de la contre-cartographie comme modes de construction esthétique et de pensée critique essentiels à l’étude des frontières, d’autre part.
Comment les frontières, en tant qu’entités spatiales et géopolitiques, font-elles simultanément l’objet de cartographies et de contre-cartographies, ces processus faisant ainsi émerger des discours alternatifs ou concurrents mettant au jour des idéologies sous-jacentes, des tactiques spécifiques de représentation et d’appropriation créative ? Comment la représentation des frontières dans la littérature, les arts, les discours historiques et la culture matérielle passe-t-elle par des gestes cartographiques et contre-cartographiques, qui suivent ou brouillent les lignes de la carte ?
Les communications pourront ainsi porter sur la question de la représentation des frontières dans le monde anglophone sous l’angle de la cartographie et de la contre-cartographie, dans des limites temporelles larges (du Moyen-Âge à l’époque contemporaine) et à travers divers types de discours et de supports médiatiques (littérature, arts, discours historiques, représentations géographiques et cartographiques, culture matérielle).
Les cartes sont des systèmes constructifs qui naissent tout autant de processus imaginaires et idéologiques que de procédures scientifiques. Aussi immuables et inaltérables qu’elles puissent apparaître, elles sont l’expression d’une imagination cartographique (Tiberghien), fondées sur des considérations contextuelles spécifiques, façonnées par des conventions de représentation, et informées par des épistémologies, des programmes politiques, et des approches culturelles données (Lounissi, Peraldo & Trouillet). Des points de vue fluctuants, des cadres politiques antagonistes mènent souvent à des perspectives différentes sur les cartes et le geste cartographique, qui sont à l’origine de processus de contre-cartographie, particulièrement prégnants dans la représentation de régions frontalières sous tension. La prise de conscience de la dimension idéologique des cartes, devenue un objet central de la recherche universitaire au cours des dernières décennies, a fondamentalement bouleversé le paradigme qui associait les cartes et la cartographie à la transparence et l’exactitude épistémologiques et représentationnelles. L’avènement de la cartographie critique dans les années 1980 a consacré la carte comme “proposition sur le monde” et les cartographes comme “créateurs sélectifs de mondes” (Wood, 39-51). Plusieurs géographes ont ainsi souligné le pouvoir de manipulation des cartes, tels que James Ackerman dans Decolonizing the Map ou Mark Monmonier dans How to Lie with Maps, ouvrages qui analysent l’usage des cartes en contexte colonial, mais aussi à des fins de propagande politique et commerciale. Toutefois, on constate l’émergence récente d’une nouvelle approche de l’« ambivalence » de la cartographie, qui consiste non seulement à dénoncer sa rhétorique manipulatoire et sa complicité politique dans des entreprises coloniales et guerrières, mais aussi à reconnaître les possibilités immenses d’appropriation subversive qu’offre la cartographie en termes de réécriture de récits et de création de modes de représentation expérimentaux, collectifs ou singuliers. De la « déconstruction » de la cartographie (Harley), nous sommes ainsi passés à une phase de « reconstruction » (Besse), qui reconnaît la puissance créatrice de la carte, sa capacité à être appropriée de diverses manières, et la façon dont elle contribue à créer des formes de connaissance et de représentation esthétique hybrides au contact des discours littéraires et artistiques.
Suite à la démocratisation de la cartographie et à l’émergence de Systèmes d'Information Géographique (SIG), la cartographie s’est « libérée », s’ouvrant ainsi à des communautés alternatives de cartographes non-professionnels (Pinder). Les stratégies de contre-cartographie ont fait florès dans les dernières décennies et plusieurs atlas collectifs ont été publiés, tentant de rendre visible sur les cartes des histoires passées sous silence, des toponymies et des groupes marginalisés, et d’étudier à nouveaux frais des siècles d’histoire (Solnit ; Bhagat et Mogel ; Russert et Battle-Baptiste). Toutes ces formes de contre-cartographie ont contribué à réinventer la pratique de la cartographie, et à donner une place à des histoires et des noms de lieux oubliés ou délibérément effacés.
Ce colloque vise donc à créer un dialogue interdisciplinaire entre la géographie, l’histoire, la littérature et les arts, dans la perspective thématique, théorique et critique offerte par ces notions-clés (le croisement de la cartographie, de la contre-cartographie et des frontières dans le monde anglophone). Un atelier itinérant (walkshop) sur les traces de la frontière Strasbourg / Kehl sera organisé par nos quatre invité.e.s canadien.ne.s lors du colloque, tous.te.s les participant.e.s sont chaleureusement invité.e.s à y participer.
Les propositions de communication en français ou en anglais (max. 300 mots), accompagnées d’une courte notice biographique, sont à envoyer à Marianne Hillion (mhillion@unistra.fr), Monica Manolescu (manoles@unistra.fr) et Ghislain Potriquet (potriquet@unistra.fr) avant le 1er mai 2023.
Références
Akerman, James R., Decolonizing the Map: Cartography from Colony to Nation, Chicago: University of Chicago Press, 2017.
Besse, Jean-Marc, “Cartographies et pensée visuelle. Réflexions sur la schématisation visuelle,” in Laboulais, Isabelle, Les Usages des cartes, XVIIe-XIXe siècles : pour une approche pragmatique des productions cartographiques, Strasbourg : Presses Universitaires de Strasbourg, 2008, 19-32.
Bhagat, Alexis et Mogel, Lize, An Atlas of Radical Cartography, Los Angeles: Journal of Aesthetics and Protest Press, 2010.
Besse, Jean-Marc et Tiberghien, Gilles (dir.), Opérations cartographiques, Arles : Actes Sud, 2017.
Darroch, Michael and Marchassault, Janine (eds.), Cartographies of Place. Navigating the Urban, Montreal: McGill-Queen’s University Press, 2014.
Harley, Brian, “Deconstructing the Map,” Cartographica 26:2, 1989, 1-20.
Monmonier, Mark, How to Lie with Maps, Chicago: Chicago UP, 2018 (1991).
Lounissi, Carine, Peraldo, Emmanuelle & Trouillet, Agnès (dir.), Cartes et cartographies dans le monde anglophone au XVIIe et XVIIIe siècles/Maps and Mapping in the English-Speaking World in the 17th and 18th Centuries, XVII-XVIII. Revue de la Société d’études anglo-américaines des XVIIe et XVIIIe siècles, 78/2021.
Pinder, David, “Cartographies Unbound.” Cultural Geographies 14:3, 2007, 453-462.
Rodney, Lee, Looking Beyond Borderlines. North America’s Frontier Imagination, London: Routledge, 2019.
Russert, Britt, Whitney Battle-Baptiste, W. E. B. Du Bois’s Data Portraits: Visualizing Black America, Princeton: Princeton Architectural Press, 2018.
Solnit, Rebecca, Infinite City. A San Francisco Atlas, Berkeley: University of California Press, 2010.
Tiberghien, Gilles, Finis Terrae. Imaginaires et imaginations cartographiques, Paris: Bayard, 2007.
Wood, Denis, Rethinking the Power of Maps, New York: The Guilford Press, 2010.
Borders in the English-Speaking World: Mapping and Countermapping
International conference organized by UR SEARCH
9-10 October 2023
University of Strasbourg
Keynote speakers:
Ladan Niayesh (Université Paris Cité/LARCA)
Michael Darroch (York University) and Lee Rodney (University of Windsor) - The research-creation hub IN/TERMINUS
Donna Akrey and Taien Ng-Chan (Artists, Hamilton Perambulatory Unit)
This conference organized by the SEARCH research group at the University of Strasbourg starts from two intellectual premises: the first consists in acknowledging the continued relevance of a reflection on the history of borders, border representations and bordering practices in the English-speaking world, and the second in asserting the importance of mapping and countermapping as powerful modes of aesthetic construction and critical thinking in relation to borders.
How do borders as spatial and geopolitical entities emerge as objects of simultaneous mapping and countermapping leading to competing or alternative discourses that reveal underlying ideologies, specific tactics of representation and creative appropriations? How do literature, art, historical discourses and material culture perform acts of mapping and countermapping in the representation of borders, alongside or against maps?
We welcome proposals that examine the representation of borders in the English-speaking world from the perspective of mapping and countermapping within a large temporal framework (from the Middle Ages to the contemporary period) and in a variety of discourses and media (literature, art, historical discourses, geographic and cartographic representations, material culture).
Maps as constructive systems are the result of imaginative and ideological processes as well as of scientific procedures. Although they may appear immutable and unalterable, they are expressions of a cartographic imagination (Tiberghien), predicated on specific contextual considerations, shaped by representational conventions, informed by given epistemologies, political agendas, cultural approaches (Lounissi, Peraldo & Trouillet). Shifting points of view and competing political frameworks often lead to distinct perspectives on maps and mapping, giving rise to phenomena of countermapping, especially in representations of tense borderland regions. The ideological dimensions of the map that have become prominent subjects of academic research over the past decades have completely changed an older paradigm that associated maps and map-making with absolute epistemological and representational accuracy and transparency. The advent of critical cartography in the 1980s consecrated the map as a “proposition about the world” and map-makers as “selective creators of a world” (Wood, 39-51). The manipulative power of the map was highlighted by geographers like James Ackerman in Decolonizing the Map or Mark Monmonier in How to Lie with Maps, which examine maps in contexts of colonialism, as well as political and commercial propaganda. However, we have recently witnessed a distinct approach in the acknowledgement of the “ambivalence” of cartography (Besse and Tiberghien, 12), which has led to the denunciation of its manipulative rhetoric and political complicity in colonial and warfare projects, but also to the celebration of its huge potential for creative and subversive appropriation in the retelling of alternative histories, in the emergence of experimental modes of representation, communal or subjective. From the “deconstruction” of cartography (Harley) we have moved towards a phase of “reconstruction” (Besse) that recognizes the creative power of the map over time, its adaptability to multiple appropriations, and its participation in the creation of hybrid forms of knowledge and aesthetic representation together with literary and artistic discourses.
After the democratization of cartography and the emergence of Geographic Information Systems (GIS), cartography became “unbound” and opened up to alternative communities of map-makers who are not professional cartographers (Pinder). Counter-mapping strategies have thrived over the past decades and various community atlases have been produced which have attempted to put silenced histories, toponymies and marginalized groups on the map, reexamining centuries of history (Solnit; Bhagat and Mogel; Russert and Battle-Baptiste). All these forms of counter-mapping have reinvented the practice of cartography, making space for obliterated histories and place names.
The conference seeks to foster an interdisciplinary dialogue between geography, history, literature and art within the combined thematic, theoretical and critical orientation provided by our keywords (the nexus of borders, mapping and countermapping in the English-speaking world). Our four Canadian guests will lead a “walkshop” during the conference on the Strasbourg/Kehl border which all conference participants are invited to attend.
Proposals in English or French (up to 300 words), accompanied by a short biographical notice, should be sent to Marianne Hillion (mhillion@unistra.fr), Monica Manolescu (manoles@unistra.fr) and Ghislain Potriquet (potriquet@unistra.fr) by May 1st 2023.
References
Akerman, James R., Decolonizing the Map: Cartography from Colony to Nation, Chicago: University of Chicago Press, 2017.
Besse, Jean-Marc, “Cartographies et pensée visuelle. Réflexions sur la schématisation visuelle,” in Laboulais, Isabelle, Les Usages des cartes, XVIIe-XIXe siècles : pour une approche pragmatique des productions cartographiques, Strasbourg : Presses Universitaires de Strasbourg, 2008, 19-32.
Bhagat, Alexis et Mogel, Lize, An Atlas of Radical Cartography, Los Angeles: Journal of Aesthetics and Protest Press, 2010.
Besse, Jean-Marc et Tiberghien, Gilles (dir.), Opérations cartographiques, Arles : Actes Sud, 2017.
Darroch, Michael and Marchassault, Janine (eds.), Cartographies of Place. Navigating the Urban, Montreal: McGill-Queen’s University Press, 2014.
Harley, Brian, “Deconstructing the Map,” Cartographica 26:2, 1989, 1-20.
Monmonier, Mark, How to Lie with Maps, Chicago: Chicago UP, 2018 (1991).
Lounissi, Carine, Peraldo, Emmanuelle & Trouillet, Agnès (dir.), Cartes et cartographies dans le monde anglophone au XVIIe et XVIIIe siècles/Maps and Mapping in the English-Speaking World in the 17th and 18th Centuries, XVII-XVIII. Revue de la Société d’études anglo-américaines des XVIIe et XVIIIe siècles, 78/2021.
Pinder, David, “Cartographies Unbound.” Cultural Geographies 14:3, 2007, 453-462.
Rodney, Lee, Looking Beyond Borderlines. North America’s Frontier Imagination, London: Routledge, 2019.
Russert, Britt, Whitney Battle-Baptiste, W. E. B. Du Bois’s Data Portraits: Visualizing Black America, Princeton: Princeton Architectural Press, 2018.
Solnit, Rebecca, Infinite City. A San Francisco Atlas, Berkeley: University of California Press, 2010.
Tiberghien, Gilles, Finis Terrae. Imaginaires et imaginations cartographiques, Paris: Bayard, 2007.
Wood, Denis, Rethinking the Power of Maps, New York: The Guilford Press, 2010.